A l’heure où la mondialisation s’affiche partout, et ses ravages aussi, le patois revient en force. Normal me direz-vous, on a envie de beau, de bio, de sain ! Et ce retour à la terre nous ramène à redécouvrir la langue de notre terroir. Là où est on est plus étonné, c’est quand on constate que, au-delà de l’effet de curiosité, l’engouement semble être plus durable. Il semble même toucher toutes les générations.
Qu’on l’appelle patois vendéen ou patois poitevin-saintongeais, le parlanjhe est la langue régionale qui correspond aux provinces historiques du Poitou, de la Saintonge, de l’Aunis et de l’Angoumois.
Faisant fi des découpages administratifs, le patois avec ses variantes regroupe les parlers locaux de plusieurs départements :
Longtemps délaissé, le patois a trouvé son génial (et infatigable) chantre en la personne de Yannick Jaulin. Voici plusieurs décennies que ce conteur-poète-magicien-militant a décidé de battre la campagne avec pour cheval de bataille la défense du patois. D’un minuscule village au nord des Deux-Sèvres, Pougne Hérisson, il a fait son fief, devenu, par sa seule verve, « Nombril du Monde ». Tout à la fois homme de scène, homme de lettres et homme-orchestre, il exprime à travers des textes vifs et sensibles son attachement à la terre de ses ancêtres et au « parlanjhe ».
En touche-à-tout de génie, Yannick Jaulin a eu la bonne idée de s’inspirer du succès des Mooc (de l’anglais « Massive Open Online Course », en français « cours en ligne ouvert à tous ») pour diffuser des cours de patois. Revu et corrigé par ses soins, le Mooc devient donc Moocage, plus rural et plus convivial ! Seul face à la caméra, le professeur Jaulin met ainsi en scène les mots du quotidien – « bourrier », « since », « jaille » – au gré de son inspiration. !
A raison d’un mot expliqué par semaine, ces courtes vidéos sont aussi ludiques que pédagogiques. Initialement diffusées sur Youtube, elles sont désormais disponibles sur Facebook. Elles connaissent d’ailleurs un succès fulgurant : plus de 10 000 vues et quelque 200 partages en quelques jours ! En patois, ou pas, les commentaires reflètent l’enthousiasme des internautes, toutes générations confondues. A l’écoute des mots de l’enfance, les souvenirs remontent, l’émotion est souvent palpable.
Comme en écho, dans un documentaire diffusé en janvier 2019, Yannick Jaulin nous fait entrer dans l’intimité d’un échange avec ses parents, dans la cuisine familiale. Évocations d’expressions en patois et visages familiers se superposent. Les souvenirs échangés sont ainsi ponctués d’extraits du spectacle : « Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour ». Entre les parents Jaulin et leur fils, l’émotion est partagée, elle nous gagne aussi.
Par une belle coïncidence, cette année 2019 a été décrétée par l’Unesco « année des langues autochtones » menacées de disparition. La France, à elle seule, en compte 20 dont le Poitevin. Donc raison de plus pour nous sentir concernés et invités à apprendre ou réapprendre la langue de nos aïeux… Pour que leurs mots à eux deviennent les nôtres aussi.